Urbanisme ardent ; cri strident, tram express, stress et strass, corps à mille faces, se déverse, trace vers tous les horizons.
Un artiste las pisse son art triste sur les trottoirs sales. Sa guitare est morte, hélas.
Passe Elias, sage africain sans fric, penseur passif qui passe son tour et glisse dans la masse de ses contemporains. Contemplatif, il se plaît à placer ses pas dans les plats du destin. Clandestin.
Ici, un crâne lisse, chauve, mauve, un oiseau pâle s’empale sur une ombre blême ; il crâne et traîne sa carcasse hachivée de jetées en je t'aime.
Mélodie du malheur, le taré, à sa guitare, entonne une litanie terne.
Un ado secoue sa lanterne et gouaille, baille, se marre et largue les amarres. Il part vers une belle et pâle Isabelle, à toutes voiles, son 06 pour Graal. Son skate crisse et s’emballe, habile, se coule dans la foule entre les cris et le flou, valse avec l’apesanteur, poète du bitume.
Au milieu, les pigeons balbutient leurs bassesses et les moineaux finassent.
Un chat gris détale quand une auto métal, balafrée de flammes folles, freine et rit. Sa carrosserie dernier cri, aux vitres teintées de rêve, brille sur le macadam marqué de gomme, comme un homme par ses drames.
Dedans ce piège à filles, une gueule d’ange, d'étranger, songe et fume ; Rachid jeune caïd français mange la vie. Il a trimé pour frimer et mime les rois du crime.
Puis surgit sur le passage, tremblant d’éternité ou de rage habitée, un grabataire courbé, en nage.
Le vieux débris prie, au pas de procession ; ci-gît Madelon, Gaston ou la Suzon. Sa mâchoire remue ses morts, à tort et à travers, larmes de poussière. Il sort un mouchoir noir, maux de la guerre, zonzon nazi naguère ; son hiver n’en finit pas, ici-bas. Il s’enfuit.
Gavroches en moches, des chiards ignares se marrent.
Les costards défilent et phonent à pleine voix. Sans efforts, ils foncent et défont les nœuds de la foule dense, et dansent, fendant les flots qui s’affolent.
Un tram sonne dans ma ville polychrome.
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