mardi 21 février 2012

Quand je serai vieux


Quand je serai vieux, j'aurai plus trop de cheveux sur le caillou, juste un peu sur les côtés que j'aurai laissé pousser par paresse, bouffant comme les avait mon père.
J'aurai des poils dans le nez qui seront venus avec l'âge et peut-être bien dans le dos aussi; et de la broussaille qui s'échappera de mes sourcils.
Quand je serai vieux je sentirai pas vraiment bon et pas vraiment mauvais non plus: Je sentirai l'ancien.
Dans la rue, je parlerai tout seul, partout; la déglingue, et je trimbalerai des tics nerveux que je rentrerai dans mes épaules en regardant par terre pour pas me faire voir, et on me regardera quand même. Ça me gênera un peu.
J'aurai plus vraiment de fierté parce que ça sera devenu trop lourd à porter.
Quand je serai vieux je garderai toujours des lunettes sur le nez, à travers lesquelles je verrai plus si bien que ça parce que mes yeux se seront usés sur des écrans et des tas de bouquins; et alors à cause de ça je lirai plus tellement et aussi parce que je m'endormirai systématiquement après quelques pages.
Quand je serai vieux, je porterai un veston gris élimé aux coutures que j'aurai acheté avec mon ex-future femme trente cinq ans plus tôt, une blonde, non une brune que mon immaturité aura lassée et dont j'aurai divorcé quelques années après un beau mariage.
Quand je serai vieux j'afficherai sous les yeux des valises avec des tas d'histoires à raconter dedans et personne pour les écouter. Et je les raconterai quand même.
Mais bon, y a bien des chances que je sois crevé du cancer avant ou bien du cœur, y a bien des chances que je sois jamais vieux.